La psychologie d’une décision appliquée à la (non) sauvegarde des données

Dans l’article du 2 février dernier, « Le point de crise abaissé », nous avons parlé des effets de l’ergonomie sur le comportement des utilisateurs. Nous avons imaginé un point au delà duquel ceux-ci décrochaient et refusaient de faire un effort supplémentaire pour accéder à une information pourtant disponible. Nous avons parlé des éditeurs qui investissaient dans la « facilitation » de ces accès, pour familiariser l’utilisateur aux comportements de consultation sur un écran et amoindrir sa réticence à un acte d’achat.

Aujourd’hui, nous tentons de comprendre le raisonnement qui va décider l’usager à sauvegarder des données d’une manière professionnelle en particulier en s’abonnant à un service proposé par un prestataire. Nous allons tenter de faire la part dans le processus de raisonnement de ce qui relève de l’analyse objective et de la prise en compte de facteurs supplémentaires, à priori sans rapport avec la préoccupation initiale, la sauvegarde des données.

Nous posons cette question pour deux raisons :

  • On constate toujours une grande réticence à voir ses propres fichiers hébergés « ailleurs » alors que les offres se multiplient à des prix abordables.
  • Les offres les plus sérieuses ne semblent pas être les plus favorisées.
Visualisation des critères d'influence avant un acte d'achat

Visualisation des critères d'influence avant un acte d'achat

Nous émettons l’hypothèse que l’acte n’est pas décidé uniquement au terme d’un raisonnement logique. Des sentiments irrationnels pourraient influencer le choix final.

D’une part, nous avons les photographes et autres créateurs/ producteurs de fichiers qui ressentent tous la nécessité d’assurer la sauvegarde de leurs fichiers mais rechignent à confier leurs données à des entités distantes.

D’autre part, nous avons les prestataires spécialisés et les acteurs du Web grand public qui étendent chaque jour leur offre.

Les arguments qui peuvent déclencher l’achat relèvent de quatre domaines :

  • Les besoins réels,
  • Notre propre culture, au risque de construire un raisonnement sur une réalité dépassée,
  • Les peurs suscitées par le monde du Web, virus, piratage, intrusion de l’Etat,
  • L’envi de jouer, gadgétisation de ses besoins, l’amusement qui diminue l’angoisse d’une prise de décision.

Notions de besoins réels

  • Sécurisation des données
  • Sécurité d’un hébergement professionnel
  • Performances indéniables :

• Simplicité de paramétrage

• Gestion des versions de fichiers

• Facilité de récupération : en cas de rapatriement nécessaire, crash de son disque dur ou de non renouvellement de contrat

• Confidentialité par cryptage des données avant transfert

  • Tarifs raisonnables des prestations
  • Comparaison positive par rapport à ma gestion personnelle de sauvegarde

Notion de culture établie

  • Mes données sont plus en sécurité chez moi
  • Je suis à même de garantir la récurrence des sauvegardes
  • Mes fichiers représentent des masses mémoires impossibles à transmettre
  • J’exige de savoir où sont stockées mes données.

Notion de peur

La sauvegarde externalisée accroît beaucoup son efficacité par un automatisme des copies. Cela induit une certaine transparence de l’action qui peut engendrer une crainte d’intrusion informatique.

L’automatisme s’inscrit dans un processus impersonnel, l’usager n’a rien à faire – il n’est pas impliqué – et n’a pas d’interlocuteur.

Les assauts récurrents des virus, le piratage et, phénomène nouveau, la légalisation de l’intrusion de l’Etat dans l’ordinateur de chaque citoyen, ceci pour la bonne cause, bien entendu.

Notion de jeux

Pour certaines catégories d’usagers, la décision sera influencée par une série de paramètres plus ou moins objectifs et conscients. Le prestataire qui fera une offre d’hébergement sera d’autant plus crédible qu’il interviendra aussi à la périphérie du métier de base avec une gamme de services annexes parfois divertissants. On peut être séduit alors par des critères se situant hors de la zone de raisonnement rationnel, les services annexes ludiques : albums gratuits photos, audios ou vidéos… partages de documents bureautiques, etc.

Notre raisonnement rationnel est alors perturbé par des critères relevant de l’irrationnel, mais osons-nous nous l’avouer?

Par exemple, lorsque je choisis d’acheter ce modèle de voiture parce que le vendeur est sympathique. Lorsque j’achète un enregistrement de ce groupe anglais parce que la couverture du disque est graphiquement réussie, ou parce que leur site web est séduisant.

Je peux aussi confier mes données à cette entreprise parce qu’elle m’offre des services annexes étrangers au contexte mais qui la rend inconsciemment sympathique et crédible à mes yeux. Voilà pourquoi le potentiel de sympathie de l’entreprise est-il de plus en plus cultivé.

Conclusion

Personne n’est à l’abri des influences de l’irrationnel sur nos prises de décision; l’idée de ce billet est d’alerter les usagers du danger de ce phénomène sur les carences flagrantes et dangereuses de la sécurisation de leurs données.

Humour et réalité avec quatre comportements observés :

  • Sur de moi, je me garantis à moi-même la bonne gestion de la sécurité de mes documents, je conserve la méthode interne avec un équipement fiable, des disques durs gros comme ça!… et j’oublie régulièrement de faire mes sauvegardes.
  • J’ai trop peur des intrusion informatiques et je vis en autarcie.
  • Pas d’état d’âme, j’ai le budget, je m’abonne à un service dédié
  • Après avoir murement réfléchi aux différents propositions professionnelles, je m’abonne à un service gratuit… sans garantie.

A chaque instant, des millions de données disparaissent !

v2.0

Voir dans livre

  • Liste de prestataires, page 44
  • Des modes de sauvegarde adoptés par des photographes professionnels, page 45
  • L’interview de Maxime Champion sur sa vision de la sauvegarde des fichiers, page 49

Lien éditeur

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3 commentaires sur “La psychologie d’une décision appliquée à la (non) sauvegarde des données”

  1. Florent dit :

    le principal frein à la sauvegarde chez un prestataire reste avant tout la lenteur des connexions internet actuelle, particulièrement en upload ce qui rend toute sauvegarde d’une photothèque beaucoup trop consommateur de temps.

    Lorsque les connexions très haut débit symétrique seront accessibles je prédis une développement des pratiques de sauvegarde réciproques (je backupe tes données, tu backupes les miennes)

  2. dhennemand dit :

    Même si la sauvegarde est totalement transparente pour l’utilisateur ? Cela prend plusieurs jours lors de la première sauvegarde, ensuite, les mises à jours se font uniquement sur les nouveaux fichiers.

  3. Florent dit :

    oui mais même passé le chargement initial de l’historique le poids des fichiers raw même une journée de travail d’un pro doit représenter un volume conséquent. Et la configuration doit nécessiter un minimum de compétence en paramétrage réseau/routeur, l’ouverture d’une liaison sécuritée (ssh, ssl ?) …

    mais à mon avis le principal frein reste la vistesse d’upload. Transférer à distance plusieurs Go chaque jour même avec le top de la connexion ADSL d’aujourd’hui (ce qui est loin d’être le cas de tout le monde) prend beaucoup trop de temps. Surtout comparer à la facilité d’un backup sur un disque externe usb ou réseau. L’autre frein reste le coût la plupart (toute ?) des solutions de sauvegarde fonctionnent par abonnement entraînant une charge récurrente pas forcément valorisée jusqu’à l’incident fatal.

    L’idéal évidemment serait les deux : backup à distance (avec éventuellement réplication en différent points géographiques) pour la sécurité par rapport au vol, l’incendie etc et un backup local pour la facilité et la rapidité d’accès

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